Mon woofing au Moulin de l’Estanque
L’adage dit : toutes les bonnes choses ont une fin.
Et faire du woofing au Moulin de l’Estanque fut plus qu’une bonne chose pour moi. Aussi ai-je quitté ce lieu et ses habitants, le cœur un peu lourd mais rempli de souvenirs uniques et merveilleux.
Au delà de l’apprentissage du woofing, j’ai surtout découvert des personnalités, des parcours de vie atypiques, et un lieu merveilleux.
Le moulin est niché dans une des vallées des Pyrénées ariégeoises. Après avoir emprunté une route de montagne étroite et sinueuse, (priant pour ne pas croiser d’autres voitures), j’ai enfin vu apparaître devant moi un panneau “L’Estanque”.
En descendant du van, c’est le doux bruit d’un ruisseau et un écrin de verdure qui m’ont accueilli. Le lieu est enchanteur et j’ai été immédiatement conquise. Le moulin datant du 18ème siècle est une jolie maison en pierre, bordée d’une terrasse qui avance sur un étang. Autour de cet étang, des petits îlots reliés par des ponts en bois, des arbres à perte de vue, des chemins qui partent dans la forêt, et plusieurs clairières entourées de ruisseaux.
Après avoir découvert le décor où j’allais vivre durant deux semaines, c’est avec une petite pincée de trac que je suis allée à la rencontre d’Aymeric. A l’opposé de ce que j’avais pu imaginer, j’ai découvert un grand gaillard qui, honnêtement, tient plus du viking que de l’exploitant agricole ariégeois (ou tout du moins de l’image que je m’en faisais). Tout comme lorsque je l’avais eu au téléphone, le contact est bien passé et il m’a emmenée faire la connaissance de sa famille : sa femme Chris et ses deux fils, Aurele 8 ans, Helyes 10 ans. Je me suis sentie de suite à l’aise avec eux et rassurée. Je savais que j’étais arrivée dans une famille bienveillante.
Après les présentations, Aymeric m’a fait visiter le domaine. J’ai découvert les gîtes qu’ils louent en saisonnier, son atelier, le potager, le chien Rocky, les poules, le coq, les poussins (so cute), les carpes koi de l’étang, et surtout les porcs mangalicas. J’ai ainsi appris que seul quelques élevages en France font du Porc Mangalicas. Et pour cause, là ou les porcs roses sont élevés (gavés) 6 mois avant d’être consommés, le Mangalica demande 2 ans d’amour et de soin.
Aymeric les élève en liberté, dans la forêt. Ses bêtes gambadent joyeusement dans la nature, et se regroupent bruyamment au son de sa voix. Imaginez 30 porcs débouler de toute part en courant à bride abattue lorsqu’il les appelle ! C’est juste incroyable et trop mignon. Aymeric leur apporte une attention toute particulière, il les connait, leur parle (si si j’vous jure), fait en sorte qu’ils ne soient pas stressés, les élève en respectant leur rythme, et leurs besoins. J’ai de suite compris que c’est avec une réelle passion qu’il exerce son métier.
Dès le premier soir j’ai partagé leur repas comme il est d’usage en woofing. Il est étonnant d’entrer ainsi dans le quotidien d’une famille que l’on ne connaissait pas quelques heures auparavant, et de se retrouver à table avec eux, dans leur salon, au milieu de leurs conversations du quotidien. Toutefois, passées les premières minutes d’adaptation, je dois avouer que ces repas partagés ont fait partie de mes moments préférés durant mon séjour.
C’est ainsi, au fil des conversations, que j’ai découvert le parcours étonnant de ces deux “néo-ruraux”, comme on les appelle.
Installés en Ariège depuis 2 ans, Aymeric et Chris sont à l’image de ces gens que j’admire : Ceux qui ont su faire des choix difficiles, ceux qui ont pris des paris risqués pour ne pas rester empêtrés dans ce monde absurde où l’on oublie tout simplement de vivre. Ceux qui se sont remis en question et se sont donnés les moyens, malgré les difficultés, pour vivre vraiment et sainement.
Aymeric était réalisateur dans le milieu de la mode, Chris a été rédactrice pour des magazines tendances, assistante prod dans le cinéma et a travaillé dans le management. Parisiens, puis toulousains, ces deux là avaient tout de la vie idéale que l’on nous vend. De belles carrières, de beaux enfants, une maison en banlieue et un Scénic. Pourtant, chemin faisant, ils ont su qu’ils devaient revenir à l’essentiel, sortir de cette société de surconsommation, et vivre dans un lieu où ils seraient en phase avec la nature, loin des diktats de la société.
Ils m’ont fait partager et découvrir leur vision de la vie, leur culture et leurs expériences passées. Des échanges enrichissants et passionnants que je n’avais pas imaginés avoir en faisant du woofing.
Le début de ma deuxième semaine a été marqué par l’arrivée au Moulin d’Antonin. Entrepreneur et chef cuisinier à Paris, il est venu pour assister à l’abattage du premier porc de l’élevage (Goliath de son petit nom), et faire de la conserverie avec ce mets d’exception.
Antonin n’a pas détonné dans ce paysage. Tout aussi adorable et intéressant que mes hôtes, il a participé à toutes les tâches, et nous a en prime fait découvrir ses talents de cuisinier. Chris étant une excellente cuisinière, c’est assez naturellement qu’ils se sont lancés chacun à tour de rôle dans la confection de petits plats tous aussi délicieux les uns que les autres. Moi qui n’avais pas mis les pieds dans un restaurant depuis 6 mois, celui-ci venait à moi pour mon plus grand bonheur.
Mon séjour s’est ainsi déroulé, entouré de bienveillance et de rires, au rythme des nombreuses tâches que nécessite la gestion d’un tel domaine, et des temps de repos bien mérités.
J’ai aidé Chris au potager, à la préparation des gîtes avant les arrivées, et elle m’a fait découvrir les ressources que la nature nous offre. Elle fait elle-même son sirop (sureau, menthe, mélisse), des infusions à la menthe et aux orties, des beignets de fleur de sureau, des savons et plein d’autres choses encore. Mon petit plaisir en allant au potager était d’aller ramasser les œufs au poulailler. (moi je dis qu’on devrait tous avoir des poules)
J’ai suivi Aymeric auprès des porcs et dans ses sessions de bricolage où je l’ai assisté dans toutes les tâches que je pouvais faire. Création d’une barrière dans un des parcs, transfert et nourrissage des porcs… j’ai vu des porcelets tout juste nés, été sur le quad avec lui, appris a fendre des bûches en mode systema, soigné une poule (qui avait été attaquée par un chien) avec du miel, fabriqué une pelle à pizza, découvert la soudure à l’arc, fais quelques travaux au gite… On peut dire qu’au moulin, les journées sont bien remplies. Elles se suivent mais ne se ressemblent pas.
La plus mémorable étant celle où je me suis retrouvée par surprise à quelques mètres d’un sanglier qui déambulait dans le jardin. Heureusement pour moi il était blessé et je n’ai pas eu à me taper un sprint, que j’aurai de toute façon été incapable de faire, pour lui échapper.
Ce jour là nous avons appelé Michel. Michel c’est le louvetier de la vallée. Il a tous les permis de chasse possibles et est le seul habilité dans le coin pour abattre un animal sauvage. Un héros des temps anciens, qui n’a pas hésité à sauter immédiatement au volant de sa fourgonnette pour venir. En deux minutes, l’affaire (ou plutôt le sanglier) a été pliée.
Ce qui est incroyable dans cette vallée, c’est de voir l’entraide et la solidarité entre les gens. Autant dire que le nombre d’habitants y est réduit, et que tous se connaissent. Pour la plupart tous néo-ruraux, j’ai eu le plaisir de les rencontrer lors d’un barbecue organisé au moulin et de découvrir des gens simples, cultivés, et d’une gentillesse remarquable.
Après quinze jours auprès de tout ce petit monde, j’ai bien sur encore une multitude de choses et d’anecdotes à raconter ! Mais le but n’étant pas de vous endormir, je vais garder pour moi ces précieux souvenirs que je serai toutefois très heureuse de vous raconter plus en détails autour d’un verre, pour ceux qui le souhaitent 🙂
Si je devais résumer, en plus de tous les savoirs que j’ai pu acquérir durant mon séjour, je retiendrai de cette expérience extraordinaire la philosophie de vie que m’ont transmise Aymeric et Chris, les moments passés à plaisanter avec leurs garçons tous deux d’une extraordinaire intelligence (les chiens ne font pas des chats parait-il), la plénitude que j’ai ressentie dans ce lieu de nature et de beauté, et l’écho que leur choix de vie a fait résonner en moi.
Je suis sincèrement heureuse de les avoir rencontrés et d’avoir vécu auprès d’eux tous ces moments magiques.
Et si vous cherchez un petit coin de paradis pour vos vacances, ne cherchez plus, il est là 😉